CHICAS PRODUCTIONS: May 2013

Venezuela has the largest proven oil reserves in the world. It was once so rich that Concorde used to fly from Caracas to Paris. But in the last three years its economy has collapsed. Hunger has gripped the nation for years. Now, it’s killing people and animals that are dying of starvation. The Venezuelan government knows, but won’t admit it!!! Four in five Venezuelans live in poverty. People queue for hours to buy food. Much of the time they go without. People are also dying from a lack of medicines. Inflation is at 82,766% and there are warnings it could exceed one million per cent by the end of this year. Venezuelans are trying to get out. The UN says 2.3 million people have fled the country - 7% of the population.

Sunday, May 26, 2013

Chroniques de la croisette J10 - Carnet d'Airam by Younes Jama

Chroniques de la croisette J10
Carnet d'Airam
by @Younes Jama

Hugo était là !

Chez Thérèse, d'abord puis chez Mansur.
Il voulait sonner à l'atelier, et c'était Mansur qui lui annonça qu'Airam avait fort à faire.

''Elle s'occupe de Vampires aujourd'hui !''
''Vampires ? Elle est fâchée avec le genre humain ?''

Il s'approcha du bistrot, Mansur passait un torchon sur la table pour l'inciter à s'asseoir.

Hugo s'installa donc à la table et attendit le café turc de Mansur, qu'il goûtait deux fois au mois de mai : le premier et le dernier jours du festival.

Mansur lui mit l'article sous les yeux. Jim Jarmush racontait une histoire d'amants vampires... Hugo était séduit par l'univers. Il aimait le cinéma de Jarmusch et avait vu tous ses films. Il lui arrivait même de mettre certains vieilles cassettes VHS sur les étagères de vieux meubles à vendre. Cela faisait intello... Les discussions trouvaient bon prétexte pour mélanger cinéma underground, brocante, et ce qui faisait tout le charme d'un salon où l'on recevait des amis.

''Ah la classe !''

Ils assistaient au passage de Tilda, de Mia, de Tom et de l'homme aux cheveux d'argent... Ils étaient vampires jusqu'au bout pour s'habiller rue Suquet.
La belle sortit après et sauta fougueusement au cou de son amant.

''Only lovers left alive, c'est nous !''

Elle acquiesça puis repartit faire ses valises, et préparer l'atelier pour rendre les clefs.
Mansur n'aimait pas les films de vampires, mais il donnerait volontiers la consécration à de sympathiques et authentiques personnages.

''C'est une histoire certainement très romantique !'' elle mit son pot de confiture maison sur la table... ''C'est de la confiture d'églantines...''. Hugo voulait goûter sur le champ, elle refusa.

Thérèse offrit également un petit flacon d'huiles essentielles de lavande.
Ils mirent tout dans le van et prirent la route à la nuit tombée.

Ils pensèrent aux vampires. En faisait-ils partie ?
Ils grimacèrent, montrèrent les dents pointues dans le rétroviseur et se firent des petites morsures dans le cou.

''Tu as oublié quelque chose !''
Il lui remit un petit lin blanc.

Elle prit son carnet, colla la petit fleur et le ferma.

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Chroniques de la croisette J9 - Carnet d'Airam by Younes Jama

Chroniques de la croisette J9

Carnet d'Airam

by Younes Jama

Il était une fois un homme Guy le Cévenole, un grand amoureux de la nature et qui arpentait les Causses comme s'il brodait la mémoire des hommes et de la terre. Marcher, rencontrer les gens sur le chemin et leur parler lui paraissait aussi fin que le travail d'une dentellière.

Guy était un résistant et pourtant peu de gens avait entendu parler de lui ou connaissait son histoire. On disait qu'on reconnaissait ses faits d'armes grâce à l'urosperme de Daléchamp – Hugo avait noté Urospermum dalechampii - qu'il laissait telle une signature sur les tombes des hommes qu'il enterrait. Il voulait vivre libre et luttait pour cela, la haine n'avait pas de place dans son cœur et il mettait un honneur à rendre à la terre ses fils aussi cruels et sanguinaires furent-ils.

Pour ceux qu'il avait aidé à passer dans la zone libre, il ne réclamait qu'une seule chose qu'ils ne devaient pas évoquer son nom, nulle part. Il ne cherchait pas la gloire, il faisait ce qui était à faire et parlait peu. Il observait et écoutait surtout.

Il arrivait qu'en cette période où l'humanité perdit toute mesure, les gens qui traversaient les Cévennes pour fuir la barbarie, pleuraient non seulement leurs proches, leur fortune, mais également des objets auxquels ils attachaient des valeurs sentimentales. A tous ceux-là, il montrait sa fleur fétiche et disait ''L'essentiel est qu'on respire maintenant autant qu'elle !''.
''Il s'en est sorti ?''

Pour les rares personnes qui l'avaient côtoyé après la guerre, Guy était persuadé que sa vraie quête commençait. Il arpenta de nouveau les Causses, beaucoup plus lentement qu'au début, bien sûr que les blessures avaient laissé des séquelles dans son corps et qu'il en souffrait, mais les séquelles des autres étaient plus profondes et de toute autre nature. Elles exigeaient du temps et de la patience, il fallait s'y arrêter pour les guérir. Les obus et les rafales qu'on entendait plus dans le monde réel habitaient les âmes dorénavant et ne voulaient plus se déloger. Les plus lâches étaient les plus vulnérables et les plus difficiles à traiter.

Thérèse parlait avec beaucoup d'émotion. Elle se rendit compte qu'au-delà des visages amis, il y en avait d'autres qui suivaient son récit.
''Qui t'a raconté son histoire ?''

Thérèse ne répondit pas. Mansur mit la radio et la voix de Moustaki emplit le petit bistrot.

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Chroniques de la croisette J8 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J8

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

Selon la presse de la 9ème journée du festival, Nebraska film américain d'Alexander Payne présentait un univers des gens du troisième âge, alors que La vie d'Adèle – Chapitre 1 & 2 d'Abdellatif Kechiche s'ancrait dans les amours juvéniles... Hugo choisirait le deuxième !

Airam l'imaginait se mélangeant les pinceaux pour justifier son choix... Elle sourit intérieurement, Hugo ne savait pas parler des femmes et quand elles lui plaisaient, c'était encore plus drôle. Il lui suffisait juste de le regarder droit dans les yeux, et d'attendre.

''Le bleu est une couleur chaude... Tu devrais y penser ma chérie'', Thérèse désigna la Rosa canina que tenait Airam. ''Ton Hugo n'est pas dans l'air du temps, on dirait'' renchérit-elle de manière coquette. Elle portait une robe bleue et des boucles d'oreilles de la même couleur qui mettaient en valeur ses yeux.

L'églantier était blanc rosé, une délicatesse naturelle ! ''Tu sais, ça a des vertus depuis la nuit du temps, je te donnerai un pot de confiture d'églantier, je t'apprendrai des fois que l'Hugo apprécierait...''

''Tu devrais marcher sur le tapis rouge Thérèse, tu aurais éclipsé du monde !''.

''Ah c'est gentil Mansur !''

Thérèse fit un clin d'oeil à Airam.

Le café était très bon, un peu épicé mais très bon. Qu'était-ce le bleu, sinon le ciel et la mer. Elle dessinait sur son carnet en les écoutant parler. Mansur essayait de se rappeler des poètes turcs, ou des chansons populaires. Thérèse fit pareil. Rien ne venait sauf que le bleu avait été de tout temps très prisé, par les hommes et par les femmes.

Elle pensa à Yves Klein. Sa signature sur des copies de copies de copies qu'Hugo dénichait au hasard de son commerce et des vide-greniers. Elle avait été consulté des livres dans la bibliothèque municipale pour avoir une idée sur l'artiste et... ses modèles qui peignaient avec leur corps. Hugo se demandait comment fixer le prix de copies d'un artiste coté.

Dommage que le créateur de l'International Klein Blue n'était plus de ce monde, le film de Kechiche aurait une couche supplémentaire et il ne serait pas uniquement question de cheveux et de robes en bleu ultramarin.

Donner à la palme d'or à Kechiche ? L'Amour, filmé en bleu, la mériterait. En blanc rosé, des églantiers, également. Dans le cœur de Thérèse, oui. Dans le corps fatigué de Mansur, et sous ses vestes à rayures qu'il ne quittait jamais, oui.

Sur la page du jour, elle signa à côté de la rosa canina, pour A. oui.

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Chroniques de la croisette J7 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J7

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

''Grisgris, Only God forgives... Il y a un lien ?'' la question était posée par Thérèse à Mansur qui haussa les épaules...

''T'es croyant Mansur ?''

''T'es croyante Thérèse ?''

Airam l'était, par petites touches, par phases mystiques, par soifs spirituelles, par questionnements existentiels... L'inverse était vrai aussi, par dépit de l'humanité, par absence de signes, par trop d'injustices...

Les films la sortirent de la dichotomie binaire : zéro, tu crois pas, un, tu crois ! Cela en fait des octets et par conséquent cela en fait des Humains. Elle contemplait sa vipérine, un Echium vulgare et croyait y déceler une réponse.

Thérèse lui dit que la vipérine aurait des vertus.

''Tu devrais en utiliser pour ta toux Mansur'', Mansur stoppa net la quinte traîtresse, enfin il essaya et cela ressembla à un étrange hennissement.

''Les programmateurs à Cannes font parfois des clins d’œil lourds... Le grigri tchadien et God, le même jour... ça se renvoie en écho soi-disant.... ça me gonfle''

Airam trouvait que la programmation à Cannes était de plus en plus à côté de la plaque. Il y aurait des films plus intéressants dans les autres sections et qui méritaient leur chance pour la palme.

''Est-ce que quelqu'un sait pourquoi l'époque est si mièvre ?''

Pas d'alchimie entre Grigris et Jeune & jolie ou entre Only God forgives et Tel père, tel fils... Entre le truc à château et A touch of sin... Est-ce que la programmation était une affaire de combinaisons ? Deux films en compète à découvrir par jour était fondamentalement une logique de couple, donc binaire donc (0,1)...

Mansur aurait dû continuer à faire des maths, mais la vie ne lui avait laissé guère le choix. Dans son Anatolie natale, il fallait en faire à la mort du paternel. Un accident de travail, une jambe perdue et une tristesse qui avait écourté les jours. On ne raconterait pas ce genre d'histoires dans les films.

Thérèse n'était pas d'accord. Le cinéma pourrait tout raconter, la preuve Grisgris !

Airam était bien en peine de dire quelque chose de gai. Elle partit marcher sur la plage, en évitant la foule qui courait après des sensations fortes à la vue de stars ou des autographes dérisoires.

Elle était une jeune femme avec un carnet plein de robes dessinées et de fleurs de saison.

Chroniques de la croisette J6 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J6

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

Un bouquet sec d'Immortelle à toupet aux sens du curry ! Helichysum stoechas avait écrit Hugo. Cela prouvait qu'il suivait la compétition officielle et qu'il avait un coup de cœur pour le film La grande bellezza de Sorrentino.

Avant leur séjour en Italie, ils avaient vu L'amico di famiglia. Hugo racontait que ce personnage aurait pu être son propre père, il avait mouillé dans beaucoup de trafics... Il avait payé un peu.

Elle lui demanda s'il avait participé à ce genre d'aventures. Il éclata de rire, ''Devine''... Elle devina...

''Je ne te dirai pas toute la vérité sur mon père, mais j'aime bien l'idée que tu m'imagines en petit truand tout boutonneux de Bogota...''. Sorrentino avait bien fait de choisir un titre aussi évocateur Le conseguenze dell'amore.

Souvent, elle se dit qu'elle était inconséquente de tomber amoureuse d'un brocanteur latino.

Elle était tombée amoureuse de la Sicile et avant de Naples et bien avant de Rome... L'Italie est une pure ivresse de l'âme. Elle n'irait pas voir le film, il mériterait d'être vu à deux dans leur patelin... Et par la même occasion revoir de bons films italiens bien au chaud contre l'épaule d'Hugo. Sûrement Roman Holidays pour Audrey Hepburn,Stromboli pour Ingrid Bergman, Ladri di biciclette pour son propre père à elle, mais elle ne le dirait pas à Hugo. Inconditionnelle de Marcello, de Sophia et Tout Fellini, évidemment !

Il n'y avait que ce fou amoureux de femmes et de cinéma pour immortaliser la poésie de la vie sur un écran.

Airam avait signalé une fois : ''J'aime bien bien quand il fait sortir les spectateurs de la salle de cinéma pour voir ce qui se passe dans la rue !''

''Et alors ?''

''Il dit que le réel est plus fort que le cinéma''

''Et moi j'aime Tête d'artichaut''

Airam lui envoya son coude dans le ventre.

Thérèse demanda du cardamome en lieu du clou de girofle. Mansur s'exécuta avec plaisir et leur servit le café dans les tasses habituelles. Il essayerait de lire l'avenir dans le marc de café. Ils parlèrent de l'Italie de Berlusconi, de celle d'avant et de celle qui se préparait à devenir. Thérèse cita Roberto Benigni "Tout petit déjà, Silvio Berlusconi disait : "Je deviendrai Président du Conseil ou rien !" Il est parvenu à devenir les deux !"...

Thérèse avait des origines italiennes et à une époque, elle écoutait Fuori Orario d'Enrico Ghezzi sur la Rai. ''Qu'est-ce qu'il parlait de cinéma !''

Les deux la regardèrent interloqués. Elle se leva dignement et un brin ironique ''Je vous laisse, ma lavande m'attend !''

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Chroniques de la croisette J5 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J5

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

Le ton d'Hugo était blanc : une cephalanthera damasonium. Peut-être que l'actualité le préoccupe en ce moment... Peut-être que les affaires marchent mal. Il ne faisait pas les brocantes cannoises, c'était pas son truc les stars et la folie démesurée du cinéma quand tout allait mal.

Il risquait fort de pleuvoir, mais elle tenait à longer le port en robe blanche. Elle pensait à Marylin dans The Seven Year Itch, mais comme elle était timide, elle fit en sorte que la robe soit plus pudique... Il n'y a pas de métro évidemment, mais la mer est coquine. Cela ne méritait pas autant d'années de réflexion.

Au café, Lucie lui rendit la robe. Elle avait fait son effet lors de la soirée et peut-être que, vu l'intérêt de deux ou trois réalisateurs croisés dans la fête, elle ferait moins les planches de la banlieue pour décrocher un vrai rôle au cinéma. Elle monterait les marches en mai 2015. ''Je porterai une robe de ta collection, il faudrait bien que tu sortes de l'ombre toi aussi... On a assez trimé, tu crois pas ? On a aussi droit à de la reconnaissance''

Lucie, bouillonnait de rêves, de sourires au public, d'autographes et la possibilité imminente de sortir des difficultés des rôles alimentaires la grisait. Après une nuit consumée jusqu'aux lueurs de l'aube, son énergie épatait vraiment.

Elle proposa à Airam de trouver un sponsor, de faire la pute pour un grand couturier sur place, de rêver à un défilé improvisé sur la plage s'il fait beau... Toutes les copines se prêteraient au jeu !

Elles pourraient même faire une page facebook pour ses robes.

Le café n'était pas bon pour le prix que cela coûtait. Airam touilla plus qu'elle ne but. Lucie lui avait dit qu'elle ne rencontrerait personne chez Mansur. Par amitié, elle touillait.

''Tu vois quoi aujourd'hui ?''

''Takeshi Miike''

''Ah bon ?''

''Je rêve toujours d'aller au Japon, je n'ai jamais réussi à faire des économies... Et je trouve bien ses films''

Le cinéma japonais à Cannes ne parlait toujours pas de Fukushima. Sujet tabou, peut-être ou compliqué à financer.

''Il y avait celui de Rebecca Zlotowski, mais elle dit que son film ne milite ni pour ni contre le nucléaire !''

''Ils sont pas obligés d'en parler, tu sais...''

Airam acquiesça, ''C'est juste que c'est important''.

''Si tu réalisais un film sur le sujet ?''

''Non, merci... Je penserai à une collection par contre.''

Sur les pages blanches du carnet : coller le céphalanthère de Damas et s'inspirer de la robe de Marylin.

Grand central, un film d'une jeune femme sur le nucléaire. Elle irait le voir avec Thérèse et Mansur.

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Chroniques de la croisette J4

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

Thérèse proposa une petite expédition au marché Place Gambetta. Elle voulait de la lavande pour ses huiles essentielles. Mansur en profiterait pour acheter des feuilles de vigne pour ses Dolma et Airam n'aurait qu'à flâner. Les frères Coen sont en compète et un Van der quelque chose, un hollandais voilà... Pour une fois, les trois sont des inconditionnels des Coen.

''Un hollandais, c'est intéressant ça, il pourrait remporter la palme !''

''T'as de drôles de pronostics Mansur ! Tu vieillis ma parole! Ce seront les Coen je te dis...''

''Non, Thérèse... Les Coen sont à Cannes tous les ans, donc, il faudra du sang neuf... ''

Airam : ''Les Coen l'ont eu une fois pour Barton Fink, il y a vingt ans...''

''On avait tous vingt ans à l'époque !''. Elle regarda Mansur et Airam et éclata d'un rire contagieux.

''Qu'est-ce qu'il y avait déjà de remarquable à cette époque ?''

''En 1991 ?''

Airam était amoureuse et voulait faire du cinéma. Thérèse était amoureuse aussi, a one side love... Le festival n'amène pas que des films à la croisette... Il lui avait amené une belle idylle, sous la pluie comme d'hab et... Le ressac avait fait le reste...

''Mansur ! Tu ne dis rien ?''

Il avait peur, il avait quitté la Turquie. La guerre avait éclaté... Bush, l'Irak, le Koweït, des choses pas belles du tout ! Sa femme était restée là-bas. Il était venu en Allemagne, il végétait puis il était venu en France en passant par la Belgique. Sa femme avait demandé le divorce.

Ils firent le deuil de toutes ces choses tristes. Au moins, Airam avait manifesté contre cette guerre. A vingt ans, on aime la paix et faire l'amour.

Sur son carnet, Airam écrit que l'humanité fait des deuils bizarres, d'époques pas jolies à regarder en face. Elle avait gagné une guerre, et chaque jour Hugo lui en fournit la preuve. Il aurait pu céder à la noirceur de l'âme.

Un soleil radieux accompagnait son Neotinea tridentata du jour, un orchis à trois dents. Quelqu'un lui avait dit qu'il est rare et menacé. Elle fit un bisou à l'orchis.

Chroniques de la croisette J3 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J3

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

Elle reconnaît le linocera implexa ! Leurs ballades estivales à deux... Le chèvrefeuille des bois embaumait leur silence...

L'arbrisseau accrocha sa jupe fleurie. Elle se libère de l'étreinte pour se trouver dans celle de Hugo. Elle dit : ''J'aimerais que ma famille ressemble à un arbrisseau comme celui-ci !''. Hugo l'embrassa tendrement.

''Je suis déçue !'' nota-t-elle sur son carnet en collant le chèvrefeuille des Baléares. Hugo ne pouvait trouver l'autre espèce, beaucoup plus odorante car on était en mai. Qui avait décidé que le festival devait se tenir en mai et non l'été ? Quelqu'un qui ne connaissait rien aux fleurs... Le cinéma en manquait cruellement... Pour habiller une femme, c'était tout pareil !

Attablée devant un Ciç kebab, Airam écoutait Mansur défendre la thématique nippone du jour Tel père, tel fils Hirokazu Kore-Eda. Il ressemblait à son père, maintenant qu'il avait dépassé les soixantaines, il pouvait l'admettre. Le cinéma n'épuiserait jamais le sujet. Une jeune cliente lui rétorqua qu'il était sexiste et que de toute façons, le sujet était râbaché et qu'il s'agirait probablement d'un déjà-vu. On lui expliqua le qualificatif ''sexiste'' qu'il ne comprenait pas très bien. Airam redoutait sa colère, mais il se rembrunit et dit tout simplement qu'il avait vu son grand-père administrer un coup de boule à sa büyükanne. Lui, il n'avait jamais fait ça à aucune femme!

Airam lui prit les mains affectueusement. Elles tremblaient.

Dans l'atelier, la dame se déshabilla. En petite tenue, elle se regarda un moment dans le miroir ''Ils nous aiment comme ça !'', Airam prit la robe rouge écarlate des mains dont le tissu soyeux lui glissait entre les mains. ''Les électeurs !''

''Je peux utiliser votre miroir ?''... Airam acquiesça et ouvrit une grande malle à accessoires.

C'est très joli chez vous !
Merci... Je pense avoir trouvé quelque chose pour vous... Ce sera un peu long

La dame entreprit de se maquiller, des petites touches par ci, par là, tout en minutie. ''Oh, c'est très bien... Vous avez la réputation d'avoir des doigts en or... Et du très bon goût''

Airam lui rendit son sourire.

''Une femme politique ne se confie pas, n'est-ce pas ?''... ''Je suis tellement vulnérable chez vous, habillée comme ça... Là, je suis juste une femme attendant une belle robe!'' Airam s'affairait autour d'elle et l'écoutait...

Elle fut satisfaite du résultat. ''Je vais de ce pas leur en donner des hormones politiques !''. Elle se retourna et gratifia Airam d'un sourire de reconnaissance. ''Ne pensez pas que je suis différente... C'est juste que la politique... Enfin... Merci''

Elle finit de dessiner un tailleur strict, puis imagina la veste cintrée qui se ferme sur le côté avec une broche skull. Elle n'aimait pas le symbole de la vanité, une fleur, juste une petite délicate.

Thérèse sonna. Elle tenait un parapluie et une bouteille.

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Chroniques de la croisette J2 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J2

Carnet d'Airam

by @Younes Jama

Hugo pensa à une belle orchidée parasite, un limodorum abortivum pour bien préciser l'identité du limodorme à feuilles avortées, sa trouvaille dans les champs.

Airam le montra à Mansur et à Thérèse.

''Hugo est toujours aussi fou de toi, dis-donc !'', les deux femmes lancèrent un regard si surpris que le bonhomme piqua le nez dans sa casserole où bouillait son café turc aux clous de girofle et dont l'arôme emplissait déjà le coquet petit bistrot. Mansur ne parlait jamais de sentiments...

Airam avait noté que le journal traînait et que Le Passé ou l'après Une Séparation d'Ashgar Farahadi était programmé ainsi que A Touch of sin du chinois Jia Zhang-Ke.

Mansur a dû lire l'article et voulait certainement en parler. Elle se souvient qu'il affectionne le cinéma iranien, même s'il prétend qu'aucun film n'égalerait son Yol, le seul où il avait chialé comme un gosse laissé seul par sa mère. Il pleure encore comme une madeleine quand il le revoit et il n'en a pas toujours le courage.

Thérèse était bougon et faisait la tête, elle détestait les séparations tant dans la vie qu'à l'écran et la pluie ne fait que la rendre plus butée dans sa mauvaise humeur. Malgré toutes les épreuves par lesquelles elle était passée et qu'elle évoquait en haussant ses épaules trapues avec un mélange de tristesse et de résignation. Airam avait remarqué que ses yeux bleus s'embuèrent à ses souvenirs retenus prisonniers dans sa mémoire de femme seule.

Thérèse leur souhaita une bonne journée.

La jeune actrice se regardait dans le miroir ovale qui servait à l'essayage. Airam l'avait mis exprès dans son atelier tant les gens dans le cinéma aiment se regarder. C'était un cadeau d'Hugo qui l'avait déniché dans une brocante à Carpentras. Il était fort en négociation et il réussit à baisser le prix. Il lui disait qu'il était prêt à payer le triple rien que pour ses yeux noirs à elle, mais marchander avait été un plaisir surtout bien accompagné.

Elle n'était pas encore sollicitée par les grands couturiers de Paris, mais elle était persuadée que son tour viendrait. Tout était question d'opportunités. Le collant s'était effilé et il était toujours difficile de savoir s'il fallait ou non le mettre avec la robe. ''Est-ce qu'il se marie bien avec ma robe ? Avec ce temps pourri, je préfère en porter mais j'ai peur d'être pas bien habillée et il y a des moments où ça glisse, non ?''.

Airam lui offrit un collant et la rassura. Elle est une femme, c'est elle...

Sur le carnet, une autre robe et le limodorme... La couleur violacée de la fleur mouchetterait le noir, ou le blanc... Un beau drapé serait mieux, qui moulerait le corps... Le corps qui n'est pas si parfait finalement... Le corps est dans le cœur, après tout.

Elle se mit devant son miroir et son doigt le parcourut dessinant sa robe du jour

Chroniques de la croisette J1 - Carnet d'Airam by @Younes Jama

Chroniques de la croisette J1

Carnet d'Airam
by @Younes Jama

Le carnet est ouvert devant ses yeux noirs brillants d'excitation. Son premier jour à Cannes lui fait toujours cet effet, et elle se résout à se concentrer pour organiser tout ce qu'elle à dire. Mansur et Thérèse lui ont fait la fête et comme d'habitude ils ont partagé le café turc préparé par Mansur sur la petite table habituelle malgré la pluie qui s'abattait sur la ''Suquet de Mai''. Thérèse parlait ainsi de sa rue en cette période spéciale de l'année. Thérèse n'avait jamais quitté Cannes et entendait respecter ce way of life jusqu'à sa mort, elle se méfiait du monde et sa curiosité de l'étranger était amplement satisfaite en la personne de Mansur, son voisin.

Le café de Mansur faisait partie des habitudes cannoises d'Airam et le sexagénaire turc s'ingéniait chaque année à trouver de nouveaux arômes. Les clous de girofle sont à l'honneur cette année, un ami maghrébin lui en avait parlé, une tradition berbère s'il avait bien compris, et il espérait le faire goûter à Airam et à Thérèse.

Thérèse rapporta le journal et comme d'habitude Mansur ne pariait jamais sur les deux premiers films de la compétition officielle. ''Trop prévisible'' dit-il à ses deux hôtes matinales qui le taquinèrent sur son accent à couper au couteau. Il est déçu par l'absence des films turcs !

Thérèse déclara que ''Jeune et jolie'' d'Ozon était son préféré de la journée. Quitte à choisir, Mansur réfléchit et trouva que le synopsis du film mexicain d'Amat Escalante lui parlait mieux.

Airam caressa le glaïeul d'Illyrie qu'elle reçut le matin. Hugo savait tenir ses promesses d'amoureux. Un jour il lui avait demandé s'il arrivait qu'une femme rejette une fleur. Elle lui répliqua d 'essayer, elle ne connaissait pas de réponse à sa question.

Le glaïeul était accompagné d'un petit papier. Un cœur mal dessiné qui la fait sourire, Hugo est un piètre dessinateur, mais il a l'écriture belle et fine et le mot rare. Il jugea nécessaire d'accompagner la fleur de son nom scientifique Gladiolus Illyrius.

Dessiner une robe ou s'occuper du message d'Hugo, son chéri de brocanteur ?

Elle avait eu la visite de sa première cliente et la séance s'était bien passée, c'était une très jolie femme qui s'était confiée à elle tout en regardant comment sa robe se transformait entre les mains d'Airam. Elle voulait quelque chose, un petit plus comme la robe sur l'affiche de ''The great Gatsby''... ''La crise frappe durement et les paillettes n'aveuglent plus que celles et ceux qui ne sont pas touchés, je ne sais pas comment je vais finir l'année !''. Elle ajouta ''Ce doit être tabou d'en parler à Cannes''. Airam était née en mai 68.

Elle dessina une première robe sur la première page de son carnet et devant elle colla un glaïeul.

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Sunday, May 26, 2013

Friday, May 24, 2013